A la rencontre de l’Ours, Ursus – Lou Pedescaou

Ours peinture au lavis et à la gouache par Christelle Caizergues

Texte et illustrations de Christelle Caizergues

Hier à la pause déjeuner, des collègues m'ont parlé d'un podcast sur la montagne, pour moi qui suis passionnée. Du coup, après le travail, en rentrant chez moi le soir dans les transports en commun, je l'ai écouté. Cela parlait d'aventure, d'ours, d'un récit de montagne écrit par une femme ... ça m'a donné envie d'en savoir plus. J'ai cherché. Et maintenant j'ai envie de partir sur ses traces, à elle. Partir là-bas. Je vous raconte son histoire.

J’ai toujours été attirée par les librairies. Surtout les petites, celles qu’on trouve dans une petite rue, la devanture ancienne qui me rappelle que j’aurai aimé vivre à une autre époque, celle où le bois était repeint de couleur, presque chaque année.

Premiers jours de janvier 2003, Laruns. Pyrénées

Les Pyrénées Atlantiques. Surtout et avant tout, le Béarn. Et ici, la vallée d’Ossau.

La loi de l’attraction. Je crois qu’on l’appelle comme cela. C’est un phénomène qui n’est peut-être pas si irrationnel que cela. Moi, c’est avec les livres. Certains m’attirent à eux car ils ont leur histoire, et celle que je vais vivre un jour, avec eux. Ainsi naîtront de nouvelles histoires.

Le livre bestiaire dans la librairie

Dans cette librairie de Laruns, un livre. Contes et légendes de l’ours, de Michel Bournaud aux éditions Hesse, impression de 1996.

Sur la couverture grisâtre, une seule illustration, photogravure d’un ours et de son mystère, celle de son origine, légende du Groenland.

J’ai pensé à Robert Hainard et ses trésors artistiques : ses aquarelles, dessins, gravures et sculptures naturalistes. Mais dans ce livre, ce n’est pas lui l’artiste.

Dans ce livre : Imaginaire, Représentations, Légendes et Contes, entre l’homme et l’autre, cet autre animal. Ainsi, quand l’homme projette son âme dans ces autres, le bestiaire naît. Anthropomorphisme.

Un petit livre qui ne payait pas de mine. Une véritable trouvaille au pays de “Lou Pedescaou”, “le va-nu-pied” pour ne point le nommer, l’Ours.

La garbure

Mon livre sous le bras, nous avions décidé de manger là, une bonne garbure.

J’en salivais d’avance. Mon plat préféré.

C’est une sorte de potée. Un met mêlant les terroirs du Sud-Ouest avec ses confits de canard, son gras, et ceux des Pyrénées, des montagnes, du Béarn, où il fait bon manger les légumes entiers avec la soupe, le tout mélangé. 

Lorsqu’il fait soif, froid ou lorsque, à l’improviste, vous recevez beaucoup de monde à table c’est le plat idéal.

La garbure embellit en la cuisant et la recuisant. Elle se garde sur le feu.

C’est comme cela que je l’avais découverte deux ans auparavant, à Gèdre – aujourd’hui Gavarnie-Gèdre- dans la vallée de Barèges. Un bon vin rouge Madiran l’accompagnera.

La garbure

Mon livre sous le bras, nous avions décidé de manger là, une bonne garbure.

J’en salivais d’avance. Mon plat préféré.

C’est une sorte de potée. Un met mêlant les terroirs du Sud-Ouest avec ses confits de canard, son gras, et ceux des Pyrénées, des montagnes, du Béarn, où il fait bon manger les légumes entiers avec la soupe, le tout mélangé. 

Lorsqu’il fait soif, froid ou lorsque, à l’improviste, vous recevez beaucoup de monde à table c’est le plat idéal.

La garbure embellit en la cuisant et la recuisant. Elle se garde sur le feu.

C’est comme cela que je l’avais découverte deux ans auparavant, à Gèdre – aujourd’hui Gavarnie-Gèdre- dans la vallée de Barèges. Un bon vin rouge Madiran l’accompagnera.

 

Entre Laruns et Borce, la route enneigée.

Cette garbure allait être la bienvenue avant de rentrer pour Borce, où nous logions. Nous étions seuls, en ce tout début d’année, dans le gîte communal attenant à la chapelle, sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, dans la vallée d’Aspe.

La route reliant Laruns, dans la vallée d’Ossau, à celle d’Aspe par le col de Marie Blanque, était relativement tortueuse par temps enneigée. Personne ne circulait ce soir-là, sauf nous. Nous arrivâmes tant bien que mal.

Borce. Petit village. Mes quelques souvenirs.

Borce, son gîte, son jardin secret.

Notre “refuge” nous attendait. Si particulier, si secret. Nous pouvions, sans sortir du bâtiment où les dortoirs étaient agencés sur plusieurs mi-niveaux, pénétrer dans la chapelle.

Lieu de recueillement, halte ou encore refuge du pèlerin, un petit coin de “paradis” que nous découvrions, là, sous la neige. Jardin secret, silencieux. Le mien. Mais également celui de tous ici, là.

Le silence paisible de la neige qui tombe.

La lecture de l’histoire de “Jean de l’Ours”

Et moi, mon livre à la main. L’ouvrir. Enfin !

Et je me mis à lire le conte ou encore la légende de Jean de l’ours, né d’une femme et d’un ours, dans ces contrées, probablement.

Être hybride mi-ours, mi-humain aux aventures extraordinaires et à la destinée quelque peu liée à ce que nous pourrions appeler la sagesse humain.

Cet être Ours m’a toujours fasciné. Anthropomorphisme probable dans cette descendance “ursidique” (de “ursus”, ours) qui finit par épouser celle, humaine, qui était rejetée. Épousée non parce qu’il avait pitié mais parce qu’ils s’étaient choisis.  Cela me touche. 

Souvenirs. Trois ans auparavant. Gare de Foix. Ariège

Je prends le train. Direction la Haute Ariège. Je m’arrêterai à la gare terminus prévue. Après, marche. Seule.

Nous sommes début novembre, un week-end. Je n’ai pas retrouvé mes carnets pour plus de précisions.

Je vais passer une nuit dans une cabane ouverte que j’ai repérée, là-haut.

Je suis équipée: mes “grosses” aux pieds (chaussures en cuir de montagne), carte, boussole, altimètre, duvet -18°C, frontale, bougies, nécessaire en médicaments, réchaud, eau, nourriture, habits chauds et même les crampons au cas où. Il a un peu neigé, je le sais. J’ai indiqué où j’allais à ceux restés à Foix.

Besoin de faire le vide. Écrire. Me ressourcer.

La montée à la cabane et l’ours

Le train s’élève. Et puis il s’arrête. Mon terminus. Je descends. Personne. Je suis seule. J’ai ma carte.

Le chemin grimpe. Et puis cela devient plus délicat. Des déversoirs de “torrents” gelés à passer. Je sors les crampons. Précautions prises.

J’avance. En contrebas, loin, je vois une forme qui bouge. Énorme, marron. Peut-être? Un ours? Il y en aurait par ici. Je reste avec cette image gravée dans ma tête jusqu’à atteindre le replat où se situe la cabane scindée en deux parties mitoyennes. Deux refuges en un !

La cabane

Un peu de neige recouvre légèrement les rhododendrons. Peu d’arbres.

Je m’installe dans une des parties. C’est minuscule. J’écrirai dans mon duvet. L’antre de la cheminée est quasiment collée à la place pour dormir. J’ai pris un carimat (un morceau de matelas mousse) et une couverture de survie pour isoler un minimum mon duvet du froid extérieur. J’ai aussi mon “sac à viande” en soie, pièce de tissu que j’ai cousu il y a quelques années déjà.

Aucun bois dans l’habitation, dans mon refuge. Il va falloir aller en chercher et la nuit arrive. Les jours sont courts.

Dehors, la neige. Tout est gelé. Peau de chagrin : du rhododendron, quelques petites brindilles. Il va faire froid cette nuit! Je reviens quasiment bredouille vers mon abris, me mettre au chaud. J’ai faim.

Un couple d’Espagnols vient d’arriver. Ils s’installent dans l’autre partie. Ils ont un peu de bois qu’ils ont remonté. La prochaine fois je penserai à faire la même chose.

Le vent se lève. Glacial. Se réchauffer. Manger. Je vois disparaître rapidement mon minuscule feu de brindille. Manger me réchauffe. Dehors le vent siffle. J’écris un peu. Je suis seule, face aux éléments. Mes voisins m’ont proposé de venir me réchauffer dans leur partie. Je les ai remercié. Je n’ai pas la tête à ça et je suis fatiguée pour partager ce moment avec eux. Je suis seule. Je préfère la rester. 

La nuit, l’heure de l’ours

Toute la nuit j’entends frapper à la porte. Je délire. J’entends l’ours. Il toque à la porte. Il entre. Il n’entre pas. J’ai de la fièvre. Peut-être. Je le saurai le lendemain, en redescendant. J’avais peur qu’il enfonce la porte. Il grogne. Le vent. Le bruit du vent se mèle au grognement. C’est le vent. Seulement. Je survis à cette nuit. J’ai beaucoup déliré. J’ai beaucoup réfléchi cette nuit. Pas d’ours. Et pourtant…

Le couple d’Espagnol traîne “au lit”. Je ne les verrai pas avant de partir. Je refais le trajet inverse.

Fascination pour les ours

Rencontres avec l’ours 

Je me souviens d’un ours brun, dans mon enfance, dans l’ouest américain. Il s’était tenu à une très courte distance de nous, à Yellowstone. Je suis leur trace ailleurs : dans les Hautes-Pyrénées, puis en Slovénie et en Croatie.

Inciter au retour des traditionnelles fêtes de l’ours

Les légendes et les représentations autour des ours me fascinent. Pourquoi ne pas remettre au goût du jour d’anciennes fêtes liées à l’ours, à sa sortie d’hibernation ? Pourquoi ne pas le tenter dans la vallée de Barèges ? La fête existait avant, j’ai pu découvrir des photographies lorsque j’y vivais.

Hommage à Lou Pedescaou

Plantigrade, Lou Pedescaou tu es celui qui, finalement, nous ressemble un peu. Même si tu m’impressionnes, je porte pour toi une admiration sans limite. Car tu es un peu en moi, et peut-être, dans les écrits, nous sommes un peu en toi. L’homme t’a peut-être “inventé” dans son bestiaire, dans les contes et les légendes, mais tu restes seul, le roi de ces monts et de ces forêts.

épilogue

Les récits de vie de cette femme que je viens tout juste de découvrir me donnent envie … … une envie de goûter à cette garbure, de découvrir les secrets de ce gîte, d’observer les ours si cela est possible, de participer à une des fêtes et prendre le temps avec les miens en vacances.  Je viens de montrer les photos trouvées sur facebook et sur internet à ma famille.

Une envie de partir autrement pour des ailleurs magnifiques. Une envie de découvrir l’âme de ces montagnes et de ceux qui y vivent dont l’Ours, ici Pedescaou.  J’ai lu que les Pyrénéens donnent aussi des prénoms à “leurs” montagnes …  à suivre.

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